L’article premier de la loi du 9 décembre 1905 est né au milieu des cris offusqués des prélats et des réactionnaires, dans la violence également. Que prévoyait-il ? La séparation, au sein de la république française, de l’Église et de l’État. Plusieurs victimes furent à déplorer aussi bien chez ses partisans que chez ses opposants, ou parmi les forces de l’ordre. Il faut dire que la société bouillonnait déjà, chauffée à blanc par l’« Affaire Dreyfus » et ses immondes relents antisémites.
L’Église mit tout son poids dans le combat pour empêcher cette loi d’être adoptée, son influence était considérable à l’époque, l’extrême-droite et les bigots fournirent le gros des bataillons de l’opposition. La gauche et les républicains, des modérés radicaux aux plus farouches révolutionnaires défendirent finalement avec succès cette réforme fondamentale réservant la religion à la sphère privée.
Aujourd’hui, plus d’un siècle s’est écoulé et l’impression dominante est que tout semble à refaire, qu’une fois de plus le religieux, même si c’est un dogme différent qui agit, tente d’abolir ce principe constitutionnel et de reprendre la main. L’attentat contre Samuel Paty a frappé les consciences par son atrocité, mais tous les jours, dans nombre de collèges et lycées, des professeurs se heurtent à des élèves, ou des parents, soigneusement entretenus dans un obscurantisme par des individus aux intentions à l’évidence plus politiques que spirituelles. Abandonnés par une administration, le plus souvent pusillanime, ils vivent chaque cours contenant la plus petite allusion à la sphère religieuse comme une mission à haut risque, si ce n’est de menaces physiques, du moins de troubles gênant l’apprentissage de la raison et de la pensée.
Carine Azzopardi, notre invitée, journaliste à France Télévision, a couvert les attentats de New York, puis a perdu son compagnon en novembre 2015 au Bataclan. Son livre document, Ces petits renoncements qui tuent, donne la parole à un professeur de français expérimenté, anonyme pour des raisons de sécurité évidentes, éclaire de façon crue la réalité de nombre d’établissements scolaires en France, le quotidien des enseignants et l’obscurantisme dans lequel sont maintenus des milliers d’adolescents de notre pays, soldats qui s’ignorent d’un fascisme rampant n’ayant rien à envier à ceux du vingtième siècle.
Bonne écoute !
Ces petits renoncements qui tuent - Carine Azzopardi et le Témoin - Éditions Plon