Ribines - Gant Transistoc’h
33 mn 46 sec 19 Mae 2025
Interview réalisée par Catherine Boemare, socio-économiste au Cired (Centre international de recherche sur l’environnement et le développement) de l’EHESS, membre du groupe de travail Poete (Post-littoralisation et transition environnementale) du groupe de recherche Omer (Océan et mer) du CNRS
Ref : Moby Dick de Herman Melville
François Léger est agronome et docteur en écologie, enseignant chercheur à Agro Paris Tech et président du conseil scientifique du Conservatoire du littoral.
Les vacances de son enfance se sont plutôt passées près des montagnes et à la campagne. Sa carrière a commencé sur la côte Pacifique au Mexique, s’est poursuivie à Montpellier, non loin de la Méditerranée, mais c’est lorsqu’il a été sollicité par le Conservatoire du littoral en 2004 que François Léger s’est véritablement intéressé au littoral.
La recherche agronomique française reste encore largement tournée vers l’intérieur des terres ; pourtant François Léger sait désormais que le continent et l’océan sont intimement liés. Le littoral est bien une interface, concept crucial pour un écologue comme lui. L’agronome identifie les liens entre le type d’agriculture pratiqué dans un arrière-pays et le milieu marin. Le littoral invite à l’interdisciplinarité ; elle permet de confronter et déplacer les points de vue. Pour adopter une perspective d’ensemble – holistique – le chercheur doit accepter de quitter par moments sa posture purement scientifique pour regarder son objet avec émotion et sensibilité.
Pour François Léger, Moby Dick d’Herman Melville est un livre de chevet, vers lequel il revient régulièrement. Il invite à cesser de regarder la nature comme un « objet inerte » et par extension, à admettre que l’objet scientifique étudié peut avoir son propre moteur, indépendant du chercheur, voire son intentionnalité.
C’est aussi, plus généralement, une réflexion sur l’orgueil des humains occidentaux modernes et leur obsession de la maîtrise absolue de la nature.
C’est également un quasi-documentaire sur les cétacés et en soi un véritable « roman scientifique ».
François Léger nous cite un extrait du roman qui fait référence aux jeunes gens romantiques, avides de prendre la mer, mais qui s’abîment dans la contemplation philosophique de l’océan plutôt que l’observer les baleines. C’est pour le chercheur une évocation de la sérendipité indispensable à toute recherche. Elle symbolise le recul que doit prendre le ou la scientifique sur son objet de recherche, pour laisser divaguer son esprit et laisser place à la créativité. C’est ainsi que l’innovation et l’invention surgissent dans la science, comme une baleine sort des flots.
Une émission réalisée avec le concours de Bénédicte Barillet et Thomas de Beugny de l’EHESS, Transistoc’h, l’équipe des Littoraux poétiques et le CNRS.