Le LEM - Par Transistoc’h
1562 min - 15 mars 2024
Le sujet est aussi vaste que les continents de particules de plastique qui dérivent dans l'océan mondial : la lutte contre les pollutions marines venues de la terre (80 % des polluants marins viennent des continents) par les réglementations et lois des États. Il fallait donc circonscrire le sujet. Lors de sa thèse à l'UBO (LEMAR / UMR AMURE), de 2019 à 2022, Odeline Billant a donc dû renoncer à explorer les pollutions liées aux pesticides et aux systèmes d'assainissement.
Même en se concentrant sur le plastique, la chercheuse en droit public a dû aussi restreindre son champ d'action géographique ; elle a donc travaillé (à distance pour cause de pandémie) sur les législations des zones suivantes : la mer Celtique (Irlande, France, Royaume-Uni), l’Afrique de l’Ouest (Sénégal, Cap Vert), le Brésil (États de Sao Paulo et du Pernambuc ) et les États-Unis d’Amérique ( la Floride, et le Texas). Il y avait donc des pays développés et d'autres moins, et certaines zones où aucune réglementation sur les plastiques à usage unique n'existait au moment de la recherche (dans les 4 États américains en l'occurrence).
Quant à l'objet de droit sur lequel Odeline Billant s'est penché, le sac plastique, il peut sembler partiel. C'est que les emballages en plastiques sont si divers et nombreux (sans parler des objets à usage unique de type couverts ou gobelets) qu'il y avait déjà fort à faire avec les seuls sacs. Ils ont néanmoins deux intérêts : on les trouve partout dans le monde et c'est le premier objet à usage unique à avoir suscité des réglementations, dès le début des années 2000. l'Onu recense des réglementations sur ces sacs dans les deux tiers des pays du monde. Les mesures qui concernent les sacs sont prises au niveau national essentiellement, mais parfois aussi au niveau fédéral (comme aux États-Unis où ce sont les États qui légifèrent... ou pas).
On peut distinguer deux grandes stratégies de réglementation parmi les pays qui s'attaquent au problème des sacs plastiques (France, Écosse, Angleterre et Irlande, Sénégal et Cap-Vert) : la taxation ou !'interdiction. Au Sénégal, on est d'abord passé par la taxation avant de choisir l'interdiction parce que le pays a rapidement constaté qu'il n'avait pas les moyens de contrôler et de mettre en place la taxation.
En ce qui concerne les sacs eux-mêmes, les réglementations sont très diverses aussi, qu'il s'agisse des usages - en Écosse, tous les sacs sont taxés sauf ceux qui servent à transporter des haches, des couteaux, de la glace, des poissons crus, du poulet cru, ou ceux qui sont à bord des ferries ou des bus...- ou qu'il s'agisse des caractéristiques physiques des sacs - recyclables, compostable, biodégradable ou oxo-dégradables. Ces derniers sacs sont présentés comme écologiques alors qu'en fait leur matériau se transforme rapidement en particules microscopiques, invisibles à l'œil nu mais toujours présentes dans l'environnement...
Non seulement il faut s'intéresser aux lois mais aussi à leur application et enfin à leur efficacité.
Même si la règle est stricte, on peut encore la contourner. Pour les couverts en plastique, il suffisait en France que les objets soient lavables 50 fois en machine (sans garantie de leur solidité d'usage) pour qu'ils soient autorisés.
On pourrait croire que les pays les plus pauvres sont moins concernés par le problème mais le cas du Sénégal et du Cap-Vert démontre le contraire. Les sacs plastiques sont très utilisés dans ces deux pays (car ils permettent notamment d'acheter en petites quantités) et la défaillance du traitement des déchets les rend plus visibles en tant que pollution continentale ; ils bouchent des drains, servent de réceptacles aux larves des moustiques vecteurs de maladies. Les populations locales les perçoivent donc davantage comme un problème dont les gouvernements se sont largement emparés (les deux tiers des pays d'Afrique légifèrent sur les sacs plastiques). La loi cap-verdienne est la seule qui prévoit que les amendes récoltées dans ce cadre financent la sensibilisation et la prévention.
Difficile de mesurer le lien de cause à effet entre une réglementation, même nationale, et la quantité de pollution dans les eaux maritimes. D'autres chercheurs travaillent encore sur ce sujet (interdisciplinaire) et on aura peut-être un jour des réponses plus précises.
En attendant, pour réduire les pollutions plastiques marines, les scientifiques qui travaillent sur la question estiment qu'il est primordial de mettre fin aux productions d'objets plastiques à usage unique, hors des usages liés à la santé.