Un article détaillé sur la carte sur le site internet de l'Inrap
La découverte, par Paul du Chatellier en 1900, est restée confidentielle au début du XXe siècle, mais l'analyse livrée par les archéologues Yvan Pailler et Clément Nicolas a fait du bruit en 2021 : la dalle gravée trouvée sur une tombe de l'âge du Bronze à Saint-Bélec (commune de Leuhan) était bien la plus ancienne carte d'Europe mise au jour actuellement.
L'enjeu des fouilles qui ont eu lieu cet été 2023 sur le site est désormais de comprendre qui a fait graver cette carte et pourquoi. La datation présumée du tumulus le fait remonter à l'âge du Bronze ancien, soit entre 1700 et 1900 avant JC. La tombe est en outre monumentale même si aucun autre objet remarquable n'a été découvert sur le site (à part une céramique, classique de ce type de site). L'énergie qu'il a fallu déployer pour construire le tumulus témoigne de l'importance de la personne enterrée là. En outre, le choix des matériaux de pierre a été minutieux. La fameuse dalle en l'occurrence est en schiste ; en outre, il en manque des morceaux qu'il serait intéressant de retrouver sur place.
Les études scientifiques pour démontrer que la dalle est bel et bien une carte ont pris plusieurs années (elle est conservée au musée national d'archéologie de Saint-Germain-en-Laye). On sait désormais qu'elle représente la haute vallée de l'Odet et d'autres rivières comme l'Hyère, avec des reliefs comme les Montagnes noires et d'autres massifs des environs de Leuhan... ou plus exactement de Roudouallec qui correspondrait au centre de ce territoire. De multiples symboles parsèment la carte sans qu'on sache évidemment ce qu'ils représentent. D'où l'intérêt, pour les décoder, d'en apprendre davantage sur le personnage inhumé sous le tumulus (il ne reste pas d'ossements).
L'hypothèse est bien que ce territoire de 30 km sur 30 km environ serait le domaine possédé par l'inconnu(e) ; En Basse-Bretagne, il n y avait aucun tumulus princier connu auparavant. Celui de Saint-Bélec serait donc l'épicentre de la zone. Un territoire qui au passage, apparait comme l'un des plus grands à cette époque mais sans accès direct à la mer. Il aurait pu s'appuyer sur des ressources en étain et peut-être en cuivre. Le secteur a été peu l'objet de fouilles archéologiques.
À l'âge du Bronze, les premières sociétés métallurgistes se hiérarchisent plus fortement. L'alliage du cuivre et de l'étain suppose une maîtrise des échanges commerciaux à longue distance : cuivre irlandais, haches anglaises parvenues au nord de la France... Les liens entre les élites de Basse-Bretagne et celles du sud de l'Angleterre se resserrent comme en témoignent les objets de luxe retrouvés de part et d'autre de la Manche. Ces élites se sont donc accaparé ces trafics mais on peut supposer aussi qu'elles ont la main sur la production métallurgique elle-même et sans doute d'autres productions dont on a gardé moins de traces. Les réseaux de parcelles de terres s'organisent aussi cernés de profonds fossés comme pour bien marquer la propriété. Ces petits royaumes de l'âge du Bronze, on en trouve la trace un peu partout, on peut les comparer aux féodalités "de droit divin". Depuis les pointes de flèches finement ouvragées jusqu'aux tumulus volumineux, les marques de puissance se dispersent dans le territoire.