« Chère Pascale, je voudrais te dire Merci pour tout ce que tu as fait pour moi. » L'écriture est maladroite. L'orthographe pas toujours précise voire, parfois, un peu fantasque. De petites bulles flottent au dessus du bâton des lettres I et J. Elles oxygènent la prose orpheline de ponctuation. Ce petit détail graphique n'en est pas un. Il bouleverse Pascale. Plus encore que les mots complices ou les cSurs dessinés aux quatre coins de la feuille à petits carreaux, arrachée d'un cahier à spirales, et glissée dans une enveloppe timbrée. À la lecture des lettres rondes, vaporeuses, adolescentes, elle comprend que la môme est sortie d'affaire. Ça y est, elle respire sans assistance. Sans éducateurs à ses côtés pour entendre ses cris sourds, l'écouter, la disputer, la câliner, panser ses plaies, rassurer ses nuits, accompagner ses jours. La rhétorique institutionnelle serait moins faconde. Dans un rapport, sans détours, elle écrirait : « La jeune fille est sur les voies de l'insertion professionnelle et de l'autonomie ».