Tous les matins, avant de se lever, Amani invoque un Dieu qu'il imagine coiffé à la manière de Bob Marley. Dans le noir, couché sur le matelas sans sommier, les mains posées sur sa poitrine, les yeux grand ouverts, il prie. Pour Aimable et Alphonsine, ses parents, qu'il n'a pas connus ; pour Rehema, sa sSur de trois ans, assassinée entre avril et mai 1994 ; pour Donatille, sa grand-mère, enfouie dans une fosse commune ; pour Caritas, sa tante inconnue ; pour Hortense et Liliane, ses cousines ; pour Patrick, son cousin. Jamais ils n'auront dansé, chanté, joué ensemble. Ni même pleuré. Pour eux, le jeune homme de 26 ans espère un paradis pavé de fleurs de jacaranda, de mangues juteuses, de Fanta et de beignets qui collent aux doigts. Sans l'espoir de cet ailleurs-là, cotonneux et joyeux, il aurait pu baisser les bras.