Elle s'appelle Criquette et, selon les mots de celle qui l'a vue naître, elle est « la plus belle des
petites barriques ». La photo, en noir et blanc, date de quelques jours. Pas n'importe quel jour :
celui qui rompt la retraite hivernale dans la bergerie et offre un couloir étoilé vers la liberté,
même la nuit. L'image est prise à hauteur de flanc de brebis. On devine un rayon de soleil percer
le ciel moutonneux. L'herbe est haute et grasse. Un festin de reines. À Bulat aussi, en Bretagne intérieure, dans les Côtes-d'Armor, il a plu tout l'hiver. La dame pose. Tête blanche et museau doré tournés vers l'objectif. Aux trousses de sa généreuse croupe bouclée, quelques envieuses s'approchent de l'appareil, oreilles dressées comme celles du chien de troupeau qui, hors cadre,
veille au grain avec une autorité patriarcale qui n'est pas toujours du goût de ces daronnes. Les siennes d'oreilles, épousent parfaitement la ligne du front. Criquette, c'est un port de tête. Une volonté dans le regard ; l'envie d'en découdre avec l'intrigante. Chez les brebis, aussi, semble-til, le don de photogénie est servi avec parcimonie.