Une fable c'est une histoire courte qui vise à instruire le lecteur, tout en le distrayant.
L'histoire qui va suivre a été inspiré à Jean de la Fontaine par un auteur italien cette fois ci, Giovanni Maria Verdizotti, écrivain et artiste vénitien dont on sait peu de choses mais qui écrivait lui aussi des fables tout en les illustrant.
Ici, un loup affamé, voulant tromper les brebis de son voisinage, se déguise en berger. Il met beaucoup de soin dans son costume en y ajoutant beaucoup de détails : hoqueton, houlette, cornemuse. Ensuite, il approche discrètement le troupeau endormi, mais, pour parfaire sa ruse, il essaie d’imiter la voix du vrai berger.
Et voilà, le son de sa voix trahit son imposture : les brebis, le chien et le berger se réveillent en sursaut. Le loup, gêné par son déguisement, ne peut ni fuir ni se défendre.
Un siècle avant Voltaire qui illustrera dans un autre contexte que le mieux est l'ennemi du bien, cette fable met en scène l’échec de l’hypocrisie et la vanité des déguisements. D'après notre fabuliste, qui est loup doit agir en loup, car la fourberie finit toujours par se révéler.
Le loup devenu berger
Un Loup qui commençait d’avoir petite part
Aux brebis de son voisinage,
Crut qu’il fallait s’aider de la peau du Renard
Et faire un nouveau personnage.
Il s’habille en berger, endosse un hoqueton,
Fait sa houlette d’un bâton,
Sans oublier la cornemuse.
Pour pousser jusqu’au bout la ruse,
Il aurait volontiers écrit sur son chapeau :
C’est moi qui suis Guillot, Berger de ce troupeau.
Sa personne étant ainsi faite
Et ses pieds de devant posés sur sa houlette,
Guillot le sycophante approche doucement.
Guillot le vrai Guillot, étendu sur l’herbette,
Dormait alors profondément.
Son Chien dormait aussi, comme aussi sa musette.
La plupart des Brebis dormaient pareillement.
L’hypocrite les laissa faire,
Et pour pouvoir mener vers son fort les Brebis
Il voulut ajouter la parole aux habits,
Chose qu’il croyait nécessaire.
Mais cela gâta son affaire,
Il ne put du Pasteur contrefaire la voix.
Le ton dont il parla fit retentir les bois,
Et découvrit tout le mystère.
Chacun se réveille à ce son,
Les Brebis, le Chien, le Garçon.
Le pauvre Loup dans cet esclandre,
Empêché par son hoqueton,
Ne put ni fuir ni se défendre.
Toujours par quelque endroit fourbes se laissent prendre.
Quiconque est Loup, agisse en Loup ;
C’est le plus certain de beaucoup.



