La fontaine à fables - Par Plum'FM
3 min 26 sec 25 juin 2025
Dans la fable qui va suivre, Jean de la Fontaine va s'employer à démontrer l'absurdité de la superstition.
Pour cela, il part d'une anecdote très brève : c'est un astrologue qui tombe dans un puits sans l’avoir prédit. Une voix anonyme l'interroge : comment peut-il lire dans l'avenir dans les étoiles s'il ne voit déjà pas le sol sous ses pieds ?
La Fontaine utilise cette image pour riculiser les gens qui prétendent être capable de lire l'avenir. Au XVIIe siècle, l’astrologie passionne les esprits et le fabuliste alarme sur les pratiques de certaines et la crédulité des autres, parfois souverains des cours d'Europe dont le jugement est altéré par des fausses croyances. Son ambition ici est de placer la raison comme la seule base de la connaissance fiable. Qu'en pensez vous ?
L'astrologue qui se laisse tomber dans un puits
Un Astrologue un jour se laissa choir
Au fond d'un puits. On lui dit : Pauvre bête,
Tandis qu'à peine à tes pieds tu peux voir,
Penses-tu lire au-dessus de ta tête ?
Cette aventure en soi, sans aller plus avant,
Peut servir de leçon à la plupart des hommes.
Parmi ce que de gens sur la terre nous sommes,
Il en est peu qui fort souvent
Ne se plaisent d'entendre dire
Qu'au Livre du Destin les mortels peuvent lire.
Mais ce Livre qu'Homère et les siens ont chanté,
Qu'est-ce, que le hasard parmi l'Antiquité,
Et parmi nous la Providence ?
Or du hasard il n'est point de science:
S'il en était, on aurait tort
De l'appeler hasard, ni fortune, ni sort,
Toutes choses très incertaines.
Quant aux volontés souveraines
De celui qui fait tout, et rien qu'avec dessein,
Qui les sait, que lui seul ? Comment lire en son sein ?
Aurait-il imprimé sur le front des étoiles
Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles ?
A quelle utilité ? Pour exercer l'esprit
De ceux qui de la sphère et du globe ont écrit ?
Pour nous faire éviter des maux inévitables ?
Nous rendre dans les biens de plaisir incapables ?
Et causant du dégoût pour ces biens prévenus,
Les convertir en maux devant qu'ils soient venus ?
C'est erreur, ou plutôt c'est crime de le croire.
Le firmament se meut ; les astres font leur cours,
Le soleil nous luit tous les jours,
Tous les jours sa clarté succède à l'ombre noire,
Sans que nous en puissions autre chose inférer
Que la nécessité de luire et d'éclairer,
D'amener les saisons, de mûrir les semences,
De verser sur les corps certaines influences.
Du reste, en quoi répond au sort toujours divers
Ce train toujours égal dont marche l'univers ?
Charlatans, faiseurs d'horoscope,
Quittez les Cours des Princes de l'Europe ;
Emmenez avec vous les souffleurs tout d'un temps.
Vous ne méritez pas plus de foi que ces gens.
Je m'emporte un peu trop ; revenons à l'histoire
De ce Spéculateur qui fut contraint de boire.
Outre la vanité de son art mensonger,
C'est l'image de ceux qui bâillent aux chimères
Cependant qu'ils sont en danger,
Soit pour eux, soit pour leurs affaires.